• Le neurochirurgien et physicien français reçoit le Prix de l’inventeur Européen dans la catégorie « Recherche » du Prix de l’Office européen des brevets (OEB)
• Sa stimulation cérébrale profonde à haute fréquence (SCP) soulage les symptômes de la maladie de Parkinson sans intervention chirurgicale lourde
• Découverte par hasard, cette méthode consiste en une stimulation électrique à haute fréquence du cerveau pour limiter les tremblements
• Benoît Battistelli, Président de l’OEB : « La méthode d’Alim-Louis Benabid est devenue le traitement standard dans les hôpitaux et a déjà permis d’améliorer la vie de 150 000 personnes à travers le monde. »
Lisbonne, 9 juin 2016. – La maladie de Parkinson touche actuellement entre 7 et 10 millions de personnes dans le monde, dont la plupart souffre de symptômes sévères les empêchant de mener une vie autonome. Un nouvel espoir est cependant apparu au début des années 1990 avec la nouvelle méthode thérapeutique développée par le neurochirurgien et physicien français Alim-Louis Benabid : la stimulation cérébrale profonde à haute fréquence (SCP). Réduisant fortement les symptômes de la maladie, cette méthode permet aux patients auparavant immobilisés de retrouver un mode de vie mobile et fonctionnel. Elle est devenue aujourd’hui la norme clinique pour le traitement des stades avancés de la maladie de Parkinson tels l’épilepsie, les tremblements et les contractions musculaires involontaires.
Pour cette invention remarquable, l’Office européen des brevets (OEB) a remis son trophée à Alim-Louis Benabid parmi les trois finalistes de la catégorie « Recherche » du Prix de l’inventeur européen 2016. Les lauréats de la 11ème édition de ce prix décerné chaque année par l’OEB ont été annoncés lors d’une cérémonie à Lisbonne le 9 juin.
« L’invention d’Alim-Louis Benabid est une étape importante dans le traitement de la maladie de Parkinson car elle permet aux patients de renouer enfin avec une vie épanouissante », a déclaré le Président de l’OEB, Benoît Battistelli. « Sa méthode est devenue le traitement standard dans les hôpitaux et a déjà permis d’améliorer la vie de plus de 150 000 personnes à travers le monde », a-t-il ajouté.
La SCP, un « Pacemaker » pour le cerveau
La stimulation cérébrale profonde a été envisagée en tant que méthode de traitement de la maladie de Parkinson dès les années 1960. Toutefois, les résultats obtenus à l’époque ayant été peu significatifs, les recherches furent rapidement abandonnées en faveur de la chirurgie radicale et des traitements médicamenteux. Quelques années plus tard, Alim-Louis Benabid remit la SCP au goût du jour, en trouvant le niveau de fréquence exact qui permet de réduire les symptômes de tremblement et de rendre le traitement efficace.
Fonctionnant comme un pacemaker pour les maladies cardiovasculaires, la SCP à haute fréquence consiste à installer de manière permanente une électrode dans le cerveau du patient. Cette dernière délivre un courant électrique d’une intensité contrôlée de 130 Hz vers des régions ciblées du thalamus ou autour d’elles en fonction des besoins du patient. Un design simple et peu intrusif qui facilite la vie des malades sans changer leurs modes de vie.
Un nouvel espoir pour les malades de Parkinson
Approche totalement nouvelle, la SCP à haute fréquence ouvre pour les malades des améliorations autrefois inconcevables en termes de qualité de vie. A l’époque, le traitement des tremblements liés à la maladie de Parkinson consistait surtout à retirer des parties entières du cerveau afin de créer ce qu’on appelle des « lésions », une pratique chirurgicale lourde largement utilisée entre les années 1940 et 1960. On utilisait également des traitements oraux dopaminergiques susceptibles d’aggraver les symptômes. En comparaison, la méthode douce et sous contrôle de la SCP s’avère particulièrement efficace pour combattre les tremblements sans recourir aux produits chimiques et aux lésions. Elle offre aussi un avantage majeur par rapport à la chirurgie : elle est entièrement réversible.
Une technique découverte… par hasard
C’est à l’occasion d’une intervention sur un patient atteint de la maladie de Parkinson à l’Université Joseph-Fourier de Grenoble en 1987 qu’Alim-Louis Benabid a eu l’idée de la SCP à haute fréquence. Il avait alors inséré une électrode réglée initialement sur 50 Hz dans le thalamus de son patient, une région du cerveau liée aux tremblements. En augmentant la fréquence de l’électrode à 100 Hz, Alim-Louis Benabid s’est aperçu que les tremblements du patient avaient fortement diminué. Ce fut une révélation.
« J’ai pris conscience de l’arrêt des tremblements au moment où la fréquence a atteint 100 Hz. Je lui ai demandé s’il était capable de bouger les doigts. Il y est parvenu. Ce fut la preuve que nous avions supprimé les tremblements… C’est à partir de là que nous avons compris que nous étions tombés sur quelque chose qui pouvait être utile pour le traitement de Parkinson », a ainsi expliqué Alim-Louis Benabid.
Dans les années qui ont suivi, il a transformé son intuition en une véritable pratique clinique, qui fut officiellement autorisée en Europe en 1998, puis aux Etats-Unis en 2002.
Des améliorations qui durent toute une vie
Depuis sa première autorisation, la méthode d’Alim-Louis Benabid a été administrée à plus de 150 000 patients à travers le monde. L’électrode étant portée de manière permanente, la qualité de vie est améliorée immédiatement et de façon durable. Selon la Movement Disorder Society, le rapport coût-utilité de la stimulation cérébrale profonde est de 6 700 euros par année de vie pondérée par la qualité.
Alim-Louis Benabid : à la fois physicien et neurochirurgien
Le secret du succès d’Alim-Louis Benabid réside dans sa formation unique : à la fois médecin et physicien, il a étudié à l’Université Joseph-Fourier de Grenoble et obtenu son diplôme de médecine en 1970. Il a obtenu par la suite un doctorat de physique en 1978 – toujours à l’Université Joseph-Fourier – ce qui l’a placé dans une position idéale pour développer des innovations médicales dans le domaine des neurosciences. Jusqu’en 2007, ce neurochirurgien expérimenté – également passionné de peinture et d’astronomie – était à la tête du département de neurochirurgie du CHU de Grenoble, ce qui lui a permis de perfectionner la technique de la SCP. Il a également dirigé l’unité de l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale) consacrée aux neurosciences précliniques de 1988 à 2006.
En 2009, Alim-Louis Benabid a cofondé Clinatec, un centre biomédical international réunissant des organismes de recherche de haut niveau pour commercialiser les inventions relatives à la SCP. L’invention de départ a été commercialisée dans le cadre d’un partenariat entre Clinatec et Medtronic, une entreprise de technologie médicale. Aujourd’hui président de Clinatec et professeur émérite de biophysique à l’Université Joseph-Fourier, Alim-Louis Benabid siège aux conseils d’administration de nombreux instituts et organisations liés aux neurosciences. Il est l’auteur de 12 brevets et 523 articles scientifiques.
Selon les analystes, le marché mondial des appareils de stimulation cérébrale profonde pour la maladie de Parkinson atteindra plus de 2,95 milliards d’euros en 2020.